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Publié par Compagnie du Bisse

Ou comment La Fontaine inspire Feydeau

L'une des oeuvres de Feydeau à vous présentées en 2017 s'intitule " Les Pavés de l'Ours ".

Si vous avez vu la pièce, vous savez que le brave domestique, Bretel, va accumuler bourdes, bévues et autres erreurs fâcheuses qui auront pour conséquence de faire capoter les projets matrimoniaux de son maître.

Certes. Mais pourquoi ce titre et quelle est son origine ?

Selon le site Expressions Françaises - et c'est une version communément admise - c'est dans la pièce de La Fontaine " L'Ours et l'Amateur des Jardins " que l'on trouvera le sens et l'explication de ce titre :

Signification : Eloge, aide ou service rendu à un tiers qui ne servirait qu’à lui nuire.

Origine : Expression française qui puiserait ses origines dans la fable de la Fontaine "l’ours et l’amateur de jardins" qui désignerait selon les explications l’accomplissement d’un geste maladroit. En effet, ce pavé de l’ours apparu à partir du XVème siècle où il est question d’un ours qui croyait bien faire, jeta sur un homme un pavé pour chasser un insecte de son visage et donc le tua sur le coup. De ce fait, en voulant rendre service à son compagnon consistant à lui enlever la bête qui le gênait, il s'empressa de le tuer. La morale de l'histoire consisterait à nuire à autrui en voulant l'aider.

Expressions françaises synonymes : rendre un service d’ours, l’enfer est pavé de bonnes intentions

Et voilà donc pourquoi Feydeau écrit ce dialogue dans la scène XV de sa pièce : 

LUCIEN (parlant de son valet Bretel)
Oh ! je suis furieux !... On n’a pas idée d’une imbécilité pareille... Quel crétin !... Ah ! j’ai eu une heureuse idée d’aller chercher ce diamant brut ! 
DORA
Pauvre garçon : il est bête, mais pas méchant... S’il pèche c’est par excès de zèle. 
LUCIEN
Oui, l’ours aussi, avec ses pavés... Mais ça vous écrase tout de même. 

 

Et pour être tout à fait complet, voici le texte de la fable de Jean de La Fontaine :

Jean de La Fontaine
L'Ours et l'Amateur des Jardins

Certain ours montagnard, ours à demi léché,
Confiné par le Sort dans un bois solitaire,
Nouveau Bellérophon vivait seul et caché.
Il fût devenu fou : la raison d'ordinaire
N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés.
Il est bon de parler, et meilleur de se taire;
Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés.
Nul animal n'avait affaire
Dans les lieux que l'ours habitait:
Si bien que, tout ours qu'il était,
Il vint à s'ennuyer de cette triste vie.

Pendant qu'il se livrait à la mélancolie,
Non loin de là certain vieillard
S'ennuyait aussi de sa part.
Il aimait les jardins, était prêtre de Flore,
Il l'était de Pomone encore.
Ces deux emplois sont beaux ; mais je voudrais parmi
Quelque doux et discret ami :
Les jardins parlent peu, si ce n'est dans mon livre:
De façon que, lassé de vivre
Avec des gens muets, notre homme, un beau matin,
Va chercher compagnie et se met en campagne.

L'ours, porté d'un même dessein,
Venait de quitter sa montagne.
Tous deux, par un cas surprenant,
Se rencontrent en un tournant.
L'homme eut peur: mais comment esquiver ? et que faire ?
Se tirer en Gascon d'une semblable affaire
Est le mieux : il sut donc dissimuler sa peur.
L'ours très mauvais complimenteur,
Lui dit :« Viens-t'en me voir.» L'autre reprit: « Seigneur,
Vous voyez mon logis ; si vous me vouliez faire
Tant d'honneur que d'y prendre un champêtre repas,
J'ai des fruits, j'ai du lait : ce n'est peut-être pas
De Nosseigneurs les ours le manger ordinaire;
Mais j'offre ce que j'ai.» L'ours accepte ; et d'aller.
Les voilà bons amis avant que d'arriver;
Arrivés, les voilà se trouvant bien ensemble:

Et bien qu'on soit, à ce qu'il semble,
Beaucoup mieux seul qu'avec des sots,
Comme l'ours en un jour ne disait pas deux mots,
L'homme pouvait sans bruit vaquer à son ouvrage.
L'ours allait à la chasse, apportait du gibier ;
Faisait son principal métier
D'être un bon émoucheur, écartait du visage
De son ami dormant ce parasite ailé
Que nous avons mouche appelé.

Un Jour que le vieillard dormait d'un profond somme,
Sur le bout de son nez une allant se placer
Mit l'ours au désespoir ; il eut beau la chasser.
« Je t'attraperai bien, dit-il, et voici comme. »
Aussitôt fait que dit : le fidèle émoucheur
Vous empoigne un pavé, le lance avec roideur,
Casse la tête à l'homme en écrasant la mouche ;
Et non moins bon archer que mauvais raisonneur,
Raide mort étendu sur la place il le couche. 

Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami;
Mieux vaudrait un sage ennemi.

 

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A
j'aime me promener sur votre blog. un bel univers. vous pouvez visiter mon blog (cliquez sur pseudo) à bientôt.
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